« Bleu Noir »: un album plus noir que bleu

Jamais Mylène n'était allé aussi loin dans le dévoilement de ses peurs intimes...

 

Après plusieurs écoutes de l’album Bleu Noir, un constat s’impose : c’est un album plus noir que bleu que signe Mylène. Ce qui fait de ce nouvel opus l’exacte antithèse de Point de suture, qui surfait sur des rythmiques up tempo. On sentait Mylène conquérante et sereine. Ça n’a pas duré… La faute, sans doute, à l’extraordinaire vertige consécutif à la scène. « Après la tournée et les concerts au Stade de France, dit-elle dans Paris Match, il s’opère une effrayante descente aux enfers malgré le succès, un vide sidéral, un manque. »  Plus que cela encore, une angoisse terrible et des pulsions auto-destructrices, si l’on en croit les nouvelles chansons de la chanteuse. « Tu reviens toujours / Mélancolie », dit-elle dans Moi je veux. Dans M’effondre, elle indique avec une sincérité bouleversante ces instants où l’âme sombre dans une peur irrépressible. La répétition finale de « Jusque là tout va bien » résonne d’ailleurs comme un cri déchirant en forme d’autosuggestion, une manière de se rassurer quand tout est incertain. Dans Light Me Up, elle évoque ses insomnies, la douleur brûlante de la solitude : « It’s so cold in my song ».  Avec Diabolique mon ange, elle va encore plus loin, caressant l’idée de la défenestration : « A tout jamais de celles / Qui entrouvrent fenêtre / Qui parlent et puis se jettent ». 

Seul l’amour représente l’espoir, ce qu’on ne peut retirer à ceux qui le partagent. « Car l’amour / Est à nous / Pour toujours », chante Mylène dans Toi l’amour, qui mériterait d’être un single, tant l’intro signée Moby est magistrale.  C’est l’être aimé que Mylène appelle au secours, c’est à lui qu’elle demande de la réanimer dans Light Me Up.  Parce que, malgré tout, « La bataille est belle / Celle de l’amour / Disperse tout ».

Rien de nouveau dans le fond des thématiques abordées dans ce nouvel opus. Mais dans la forme, il y a une avancée vers une parole plus ramassée, plus dépouillée, limite télégraphique, un cri archaïque qui permet à Mylène de sublimer ses blocages, comme elle le confirme encore dans son excellente interview face à Nathalie Rheims. Est-ce d’avoir fait appel à d’autres compositeurs qui donne à la chanteuse ces audaces ? Pas seulement. C’est aussi parce que le vertige qu’elle a éprouvée est aussi abyssal que son succès sur scène a été phénoménal – on se souvient que l’album L’Autre, qui avait suivi la première tournée de Mylène, était très désespéré lui aussi. Après avoir écouté Bleu Noir, on ressent pleinement l’angoisse de la chanteuse. Et on se dit qu’on a affaire à une immense artiste qui n’était jamais allée aussi loin dans l’expression de ses peurs intimes.

7 commentaires

  1. Bonjour, si je puis me permettre, les paroles qui évoquent la défenestration sont celles de « Diabolique mon ange » et non pas « Toi l’amour », certainement une erreur d’inattention. Merci encore pour tous vos avis éclairés.

  2. Très belle analyse, sauf une faute : l’idée de la défenestration est dans Diabolique mon Ange et non Toi l’Amour.

  3. Bonjour Hugues, et merci pour cette fine analyse que j’ai su apprécier.
    A la première écoute de Bleu Noir pour ma part, je dois dire que j’ai été surpris par le nombre hallucinants de ballades, de « mid tempo » et de mélodies planantes trip-hop apportées par la Moby et Archive’s touch qui pullulent sur cet album. Tout cela en contradiction de la promo qui était faite autour, avec le titre et le clip Oui mais Non… Ce fut un choc qui relevait du contraste entre ce que je m’attendais et ce que j’ai eu.
    Ce que j’ai eu, je l’ai adoré de suite. Un vrai coup de foudre pour « Inséparables » en français, sonnant comme un au revoir, « je voulais croire en nous/ mais là j’ai paumé les clefs », « je sais là que c’est le signe/Tout s’arrête ici ». Diabolique mon Ange est pour moi le titre le plus équilibré artistiquement de l’album car c’est sur ce titre que les paroles sont le plus en phase avec la mélodie (et là, on frôle la perfection).
    Globalement, Bleu Noir est un album que je rapproche psychologiquement du titre « Point de Suture ». Un va-et-vient sans cesse « Dis moi d’où je viens/ Ne dis rien je pars » entre la lumière du ciel, bleue, sublimée par l’amour « Faut pas qu’tu t’en aille/ Jamais » et le désespoir quand l’être aimé s’en va, la noirceur des astres et du firmament quand le vide, l’abysse revient, souvent avec fracas. « Il n’en reste qu’un Bleu Noir ».
    A la fin de l’écoute, on se dit que Mylène n’a jamais été plus amoureuse que maintenant et que malgré cela, les blessures restent. Visiblement, le singulier apporté à « Point de Suture », suggérant la guérison n’a pas apporté la solution curative. L’amour reste le seul remède, mais temporaire.

    Je dois ensuite vous dire cher Hugues que votre livre siège dans toutes mes valises, tout mes voyages, que je le cite souvent (c’est, à vrai dire, mon livre de chevet) et que j’admire beaucoup votre travail ainsi que vos analyses.

    • Votre compliment me touche infiniment. Quant à votre commentaire concernant « Inséparables », il est imparable, si j’ose écrire. Merci de m’avoir si bien lu. Cet album à fleur de peau me donne envie de compléter cette biographie qui a été si importante pour moi. A bientôt.

  4. Bonjour Mr. Royer;

    Je m’appelle Steve Cabus, je suis un francais de 41 ans qui vit a Londres depuis 23 ans.

    Je me permets de vous écrire aujourd’hui pour vous dire que je viens tout juste de compléter une traduction intégrale en anglais de votre biographie « Mylene ». Je ne sais pas si vous parlez bien l’anglais, ou meme du tout, mais je me suis dit que cela pourrait vous intéresser quand meme!

    J’espere sincerement que je ne vais pas m’attirer des poursuites judiciaires avec tout cela, je réalise bien que, meme si c’est dans une autre langue, j’ai recopié votre oeuvre, et cela sans votre permission. Je vous en demande pardon d’avance. Je tiens a préciser que, bien sur, je n’en retire absolument aucun bénéfice financier, meme s’il est vrai que par contre j’ai profité d’une immense joie d’etre capable de pouvoir faire partager avec les fans non seulement anglais et américains, mais aussi d’ailleurs dans le monde, une oeuvre de qualité et tres informative, en bref quelque chose de substantiel pour les fans non-francophones, et ils sont tres grand nombre, a se mettre sous la dent.

    Si vous désirez jeter un oeil, la traduction est sur le site « MF International », dans la catégorie « Mylene Farmer translations ».

    Finalement, et c’est un peu sans honte mais j’imagine que c’est bien la premiere et derniere fois que j’aurai l’occasion de vous écrire: je suis « l’auteur », enfin j’utilise le terme légerement car je suis loin d’etre a un niveau tel que le votre, d’une collection d’une douzaine d’histoires courtes, « Les aventures insolites de Mylene Farmer ». Sans vouloir chanter mes propres éloges, des fans m’ont dit que c’était « génial », et d’autres trucs dans le genre, et en tout cas, en tant que fan de Mylene, ca vous fera peut-etre sourire.

    Si vous désirez jeter un oeil la-dessus aussi, c’est:

    http://aventuresdemylenefarmer.skyrock.com/

    Mr. Royer, merci beaucoup, all the best.

    Steve Cabus

    ps: désolé d’envoyer ce message ici, je réalise que ce n’est pas vraiment l’endroit idéal, mais c’est le seul contact que j’aie pu trouver.


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